just grab a hold of my hand,
i will lead you through this wonderland. Les rayons de l'astre
stellaire s'évanouissaient peu à peu derrière les dunes d'ocre et l'air s'était déjà fait plus froid, le vent plus insistant, prêt à emporter les grains de sable comme mille
poussières sur l'horizon lointain. Le paysage en devenait flou, voilé d'une étoffe de soie légère, s'obscurcissant au fur et à mesure de la descente quotidienne de l'étoile derrière la ligne verte au-devant. En soi, la perspective était magique ; des étendues lointaines se déroulant sur des kilomètres de ronds
douceâtres si fins, taillés par les bourrasques nocturnes, ça et là les cadavres d'arbres depuis longtemps meurtri par la soif, et, par
malchance, quelques ombres inquiétantes qui se mouvaient étrangement au loin, donnant à la scène un aspect plus mystique encore. Mais n'importe quel ravissement pour l'oeil n'était pas forcément de bonne augure pour l'esprit. Et celui de Theodore,
ensevelit sous le poids d'une
anarchie chaque matin plus consistante, ne répondait qu'à demi aux stimulations qu'il rencontrait. Il n'entendait même plus le bourdonnement fluet de la voix de Louise, brodé de son accent francique si typique -mais somme toute charmant. Au contraire, il avait l'âme piégée entre quatre
murs et, à la manière d'un stoïque soldat de plomb, n'avançait que par une force mystérieuse, une Providence divinement bonne ou mauvaise, qui le poussait toujours à avancer, sans trop comprendre, dans ce
labyrinthe aux teintes chaudes. Dédale alternant dunes et rocs, lui et sa camarade prenaient avant tout à la lumière solaire, aux étoiles et leur sens d'orientation pour guides. Il n'était donc pas accidentel de
prédire qu'une fois ou l'autre, ils finiraient bien perdus ; dans leurs pas, dans leurs pensées incohérentes, dans leurs vies. Car les mots valsaient dans sa
boîte crânienne, s'entrechoquant, se déchirant contre les bords et les revers de sa raison ; Theodore avait du mal, ce soir-là, à conserver son calme et son entendement. La journée avait été difficile, marquée d'une rafale terrible et d'un zénith ardent. Il était même persuadé d'avoir le teint si rouge qu'il luisait dans le
crépuscule tombant et les jambes si flageolantes qu'il s’effondrerait bien vite, pantin de
pacotille désarticulé,
usagé par les affres de la Braise et du temps. Il lui semblait déjà bien loin, le temps candide des enfantillages, des badinages, des mots doux
chuchotés contre une oreille, des nitescences
iridescentes qui nimbaient le sillage de ses jeux d'enfants.
Mélancolie ravageuse ou
amnésie naissante ? La seule chose sur laquelle il parvenait à se concentrer était le bout de ses pieds, engourdis depuis plus d'une heure déjà.
Les silhouettes sombres et
félines s'étirant au loin ne se fondirent soudainement plus qu'en une. Masse difforme à contre-jour, Theodore ne parvenait à distinguer véritablement la présence nouvelle qui semblait avancer vers le binôme ; comme ils avançaient vers elle. «
Tu crois que c'est un mirage ? Un vieux fondu qui vient pour nous ? Le dieu qui résonne à mes oreilles peut-être. » Sa collègue émit un rire sardonique,
relatif à l'état de sa conscience qui déraillait de temps à autres. Mais l'événement était trop singulier pour passer inaperçu, encore moins pour le pas alerter la vigilance de Theo. S'il y a bien quelque chose qu'il aurait aimé éviter ce soir-ci, c'était bien une confrontation avec des cannibales aliénés. «
La ferme, Louise. »
L'âme baignée de
solitude poursuivit son accession jusqu'à eux et rapidement, les deux niveaux se rencontrèrent, une méfiance douce-amère baignant l'atmosphère. Theodore ralenti la cadence, avant de s'arrêter net et de prendre le temps, sur son équilibre incertain, de jauger l'imprévu. Une jeune femme, d'une vingtaine d'années sans doute. Dans la nuit tombante, il avait du mal à discerner ses traits nettement, pourtant il aurait juré n'avoir aperçut aucune trace de démence dans les pupilles de la nouvelle. Sa respiration gagna alors en régularité alors que son pouls, qui avait connu un pic d'accélération flagrant sur les dernières secondes, retomba à son rythme de croisière, de
tortue véloce qui n'hésiterait pas à s'enfoncer profondément dans les dunes à la moindre altercation. Comment ça, un homme hardi et courageux ?
«
Salut. »
Il ne savait pas trop comment briser ce silence qui pesait, ni comment lancer une conversation diplomate, surtout sans connaître l'inconnue face à lui. Il se pourrait, simplement, qu'elle cache bien son jeu et soit en fait représentante de danger. Mais quelque chose dans l'air ou son instinct -ou peut-être bien dans l'allure et le faciès doux de la jeune femme- semblait le convaincre de poursuivre, et de se monter un temps soit peu poli. «
Je m'appelle Theodore, et voici Louise, mon, ma- » Il s'arrêta un instant pour observer l'intéressée qui ne semblait pas avide de prendre part à la rencontre, plutôt concentrée sur la voûte céleste et son ventre gargouillant. «
Soit, sache qu'on a beau être de jeune fondus tout fraîchement sortis du moule, on ne cherche pas les ennuis. » Et il espérait qu'il en soit de même pour l'autre parti.