Sweet and sour childhood
« Reviens tout de suite ici Charlie ! Je n’ai pas terminé de te parler ! » Je faisais la sourde oreille, je ne voulais pas l’entendre une seconde de plus. Je savais ce qu’elle allait me dire. Elle allait me gronder parce que j’avais eu de trop bonnes notes à l’école et ça, elle ne le voulait pas. Mon frère l’avait bien compris et c’était pour cette raison qu’il avait des notes acceptables, mais pas trop pour ne pas attirer l’attention, mais moi, j’en étais incapable. Je détestais ne pas donner mon maximum dans quoique ce soit. Je voulais montrer ma valeur, montrer que j’étais intelligente et que même si j’étais une fille qui semblait fragile aux premiers abords, que je valais autant, si ce n’est pas plus qu’un garçon. Je passais donc toutes mes matières haut la main. Que ce soit les mathématiques, le sport, ou l’anglais, vous pouviez être sûrs que j’allais être parmi les meilleurs de ma classe. Je ne voulais pas faire comme si j’étais stupide ! Parce que ce n’était pas le cas ! Je claquai la porte de la maison et passa par-dessus la rambarde qui entourait notre patio avant d’atterrir sur l’herbe. Ma mère me suivis, hurlant derrière moi : « Reviens ma chérie ! Il faudra régler ça avant qu’il ne soit trop tard ! » À ces mots, je me stoppai net, mais finalement, je commençai à courir et je lui hurlai quelque chose à mon tour : « Je te déteste ! » J’avais laissé ma colère me contrôler et ce fus les derniers mots que j’ai dit à ma mère. Pas un « je t’aime » ou un « merci d’avoir fait de mon enfance la plus belle que tu aurais pu me donner dans ces conditions » … simplement un « je te déteste » qui était tout sauf mérité.

Assise sur la colline surplombant l’océan qui se trouvait derrière notre maison, j’avais les cheveux au vent et les bras bien hauts dans les airs. Les pieds dans le vide, gigotant dans tous les sens au rythme d’une mélodie dont j’étais la seule à connaître le secret, je rêvais d’une vie meilleure. Non, d’un monde meilleur. Un monde où il n’y aurait aucun signe de la braise ou de la destruction qu’avait fait les éruptions solaires. Où il n’y aurait pas eu de pertes humaines aussi importantes. Notre maison était pratiquement la seule à avoir été « épargnée » dans notre quartier, simplement parce que mon père avait réparé tout ce qui avait été endommagé. Mais maintenant que la braise l’avait arraché à ma famille, même avec mes yeux âgés de neuf années, je pouvais clairement voir la peinture qui s’écaillait sur les murs de notre maison, les bardeaux qui avaient été arrachés par le vent ici et là sur le toit, laissant l’eau de pluie se frayer un chemin jusqu’à l’intérieur et les fenêtres … remplacées au fil des années par des planches de bois, laissant ainsi notre maison éclairées de seulement quelques lampes afin de ne pas nous noyer dans la noirceur. Pendant un moment, après sa mort, j'avais continué à prendre soin de notre maison, mais au bout d'un certain temps, mon cœur n'avait plus été à la tâche. Je mis mes deux mains à plat contre le sol de chaque côté de mon corps et repoussai ma tête vers l’arrière, scrutant le ciel qui s’étendait à perte de vue au-dessus de moi. Le soleil baissait à vue d’œil, laissant une lueur verdâtre sur son chemin, comme si le ciel allait être malade. Ce qui montrait l’ambiance du monde en ce moment. Toutes ces personnes attrapant la braise à chaque jour. Chaque jours entrainant plus de pertes. Ça me rendait malade, comme le ciel l’était à ce moment-là. J’avais neuf ans mais j'avais vu autant d'atrocités que quelqu'un qui avait le double de mon âge. Tout le monde continuait à vivre leur vie comme si tout était normal, mais c’était loin d’être le cas. Ils se mettaient des œillères les pauvres. J’aimais mieux voir le monde comme il l’était réellement et lui dire en plein visage d’aller se faire foutre plutôt que de faire comme si rien ne se passait autour de moi. Après une heure, ma colère était passée et j’étais prête à retourner chez moi.

Lorsque j’entrai à l’intérieur, aucun signe de ma mère. Elle s’était contentée de laisser une note sur la table de la cuisine, annonçant qu’elle était sortie faire des courses pour le souper. Mon frère était couché sur le canapé, fixant le plafond comme si c’était la chose la plus intéressante qu’il n’ait jamais vu, croisant et décroisant ses doigts au-dessus de son buste. Il s’arrêta lorsque l’on entendis cogner à la porte. Je courrai à la fenêtre et regardai qui ça pouvait être entre deux planches de bois et découvris que c’était deux agents faisant parti du WICKED. Je me suis doucement avancée vers la porte afin d'aller l'ouvrir, mais il ne me laissèrent pas le temps de m’y rendre qu’ils étaient déjà en train d’entrer comme si c’était leur propre maison. Le premier agent qui se trouvait devant moi me détailla de la tête au pieds avant de prendre la parole. « Tu es Charlie Fitzgerald ? » « Hum … Oui …» dis-je faiblement. « Pardon ? » M’éclaircissant la voix, je répondis plus clairement. « Oui c’est moi. » Les deux agents s’avancèrent encore de plusieurs pas dans la maison. « Est-ce que ta mère est présente ? » Mon frère, Matt, sorti du salon pour répondre. « Non, elle est sortie présentement. » « Je vois. Charlie, nous avons eu accès à ton dossier scolaire. Nous te demandons de venir avec nous. » Sans même attendre la moindre réaction, l’un d’eux me tira par le bras, en direction de la porte. « Attendez ! Vous n’avez pas le droit de faire ça ! Ne prenez pas ma petite sœur ! » Mon frère courra derrière moi, essayant d’attraper ma main, mais le deuxième homme l'en empêcha. Je me débattais contre la force de l’homme qui me trimballait derrière lui comme si j’étais un vulgaire sac de patate, en vain, étirant mon bras à son grand maximum, essayant d’attraper les doigts que mon frère me tendait. Mes poumons étaient en feu, ma bouche asséchée par les cris qui sortaient de ma gorge. En moins de deux, j’étais à l’arrière de la voiture qui démarra en trombe. Tout ce que je pu entendre fut mon frère qui criait mon prénom avant de laisser place au silence le plus complet.


Welcome to reality
Je me réveillai en sursaut, un grincement métallique retentissant dans mes oreilles. Sous moi se trouvait un grillage dans lequel je laissai passer mes doigts. Mais qu’est-ce qu’il se passait ?! Je restai calme, inspirant et expirant par mon nez plusieurs fois. Je me levai debout, quelque peu étourdie et chancelante, l’endroit dans lequel je me trouvais s’élevant dans les airs. Comme un ascenseur … Je poussai de toutes mes forces contre l’autre grille qui servait de plafond. Rien à faire, je n’arrivais pas à l’ouvrir. Puis, soudainement, ça s’arrêta net. Le mouvement, le grincement, tout. J’entendis des voix indistinctes, au-dessus de moi, puis le plafond s’ouvrit, m’aveuglant par la lumière soudaine. Je mis ma main droite devant mon visage, essayant de distinguer les visages qui me regardaient. Tous féminins à ce que je pouvais voir. L’une d’elle me tendit la main afin de m’aider à grimper et dès que je la pris, deux autres personnes qui se tenaient à côté d’elle me tirèrent à leur tour. J’entendis quelques rigolades, des chuchotements et finalement un : « Bienvenue dans le bloc. »

Mon cerveau a d'abord eu de la difficulté à assimiler toutes les nouvelles informations qui dérivaient jusqu'à moi. Il était question du fameux « bloc » dans lequel nous nous trouvions qui en fait, se situe au beau milieu d'un labyrinthe dans lequel, à la nuit tombée grouille des créatures dangereuses et des murs qui se déplacent (vous savez, histoire de rendre le tout beaucoup plus simple). Sur les quatre murs qui composent le bloc se trouve une porte afin d'accéder au labyrinthe et celles-ci se ferment au coucher du soleil afin que : les créatures ne nous tuent pas tous jusqu'au dernier. Ensuite, chaque personne se voit octroyer un boulot dans le bloc afin d'assurer la survie de notre mini-société selon les capacités de chacune d'entre nous. Pour je ne sais quelle raison, je me sentais plutôt à l'aise avec un marteau entre les mains, donc je suis devenue une bâtisseuse. La première bâtisseuse et j'étais assez fière je dois l'avouer. J'allais être le ... maton ... qu'elles appelaient je crois. Cela signifie que j'allais être un peu comme la « chef » des bâtisseurs. Tout ce qu'il restait à savoir c'était : quand sortirions-nous d'ici ?


Life in community
« Allez on travaille et que ça saute bande de feignasses ! » Un sourire éclairait mon visage alors que je marchais entre les filles qui étaient agenouillées par terre, clouant des planches de bois fraîchement sorties de la boîte qui allaient constituer le plancher de notre tout nouvelle rallonge pour notre dortoir. Il fallait bien qu'on ait toutes une place où dormir et certaines ne se plaisaient pas à la belle étoile. « Et faites en sorte que ce soit droit. On ne veut pas encore se cogner les orteils à chaque pas qu'on fait ! » Après avoir faire le tour de chacune d'elles afin de vérifier qu'elles faisaient toutes le boulot correctement, je pris à mon tour le marteau qui se trouvait à ma taille et mis la main à la pâte. Je n'allais certainement pas passer la journée à me tourner les pouces et à leur aboyer des ordres. Si je voulais qu'elles m'écoutent, il fallait avant tout qu'elles sachent qu'elles pouvaient compter sur moi et que ... j'étais capable de faire le travail ! Je sais que jamais je n'écouterais quelqu'un qui veuille que je me salisse les mains, si elle, n'était pas en mesure de le faire à son tour. « Après ça les filles, je vous offre la tournée ! De l'eau pour tout le monde ! » Quelques rires fusèrent et tout le monde se concentra sur la tâche qu'elle avait à effectuer.

Toutes sauf une ... celle qui était à côté de moi était une vraie pipelette et alors que les coureuses se préparaient à partir pour la journée, elle ne pouvait tout simplement pas s'empêcher de lâcher un commentaire : « Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas y aller nous aussi. C'est notre droit ! Nous devrions être en mesure d'y aller pour essayer de trouver une sortie nous aussi. Et puis, qu'est-ce qu'elle font là-dedans ? Certainement pas grand chose sinon, on serait sortie depuis longtemps. » Je déposai mon marteau violemment contre la planche qui était devant moi, à bout de nerf. « Tu sais quoi, si tu n'es pas satisfaite avec ton boulot, va te plaindre à quelqu'un d'autre. Si tu veux essayer d'être coureuse essaie, mais franchement ... » Je la détaillai de la tête au pied. « Tu ne tiendrais pas une journée dans le labyrinthe. Tes jambes sont trop minces, tu n'a aucune force dans tes muscles inférieurs. Tu ne pourrais jamais courir toute la journée. Par contre, tes bras ... tu as des biceps d'acier ! Alors prend ton marteau et sert-en ! La prochaine fois que tu fais une remarque de ce genre sur le travail de quelqu'un d'autre n'attends pas que j'aille voir June, parce que là, tu pourras commencer à courir. » Ses yeux s'arrondirent lorsque je prononçai le prénom de la Chef de notre bloc. Ça marchait à tous les coups. J'avais extériorisé ma colère, remis une recrue au travail et cloué le bec à une pipelette insupportable. Tout le monde était content, mais surtout moi.