La souffrance peut occuper une telle place qu'on en oublie le bonheur. Parce qu'on ne se rappelle pas avoir été heureux. Et puis, un jour, on ressent quelque chose d'autre, ça nous fait bizarre, seulement parce qu'on n'a pas l'habitude, et à ce moment précis, on se rend compte qu'on est heureux.
Il fumait, sans même se rendre compte que la pièce n'était plus qu'un nuage, enfumé. Il ne se rendait pas compte qu'il ne faisait qu'aggraver le système respiratoire de sa propre femme, de ta mère et de toi-même. Il ne se rendait pas compte qu'il te tuait au fur et à mesure qu'il lâchait cette fumée blanche de sa bouche. Cette odeur immonde qui te coupait le souffle dès qu'une vague venait effleurer le bout de ton nez. Il pouvait te regarder droit dans les yeux sans sourcilier et te cracher cette infâme fumée dans la gueule. Il pouvait le faire, puisqu'il ne t'aimait pas, puisqu'il s'en foutait totalement de toi. Tu n'étais qu'une misérable gamine, chose qu'il n'avait jamais désirée, chose qu'il regrettait amèrement. Il voulait un homme, fort et musclé, et fort débile, comme lui. Tu pouvais n'avoir que quelques mois comme plusieurs années, tu savais qu'il allait pourrir ta vie, chaque parcelle de ta vie allait souffrir. Tu aurais préféré encore sentir l'odeur de son cigare que sentir ses coups qu'il t'affligeait chaque jour. Ne trouvant pas assez de satisfaction dans cette fumée, grotesque. Il préférait s'adonner à des occupations plus cruelles les unes que les autres. Fermant les volets dès ton retour à la maison après l'école, augmentant le son de la télévision pour couvrir chaque cri que ton corps poussait à l'extérieur de ta cage thoracique, de ta gorge. Il montait chaque marche avec un temps d'arrêt entre chaque marche, ce gros lourdaud n'arrivait même plus à monter les escaliers sans entendre ses poumons siffler. La fumée n'aidait en rien, tout comme l'alcool. Malheureusement il était bien trop tard pour lui apprendre la vie, par contre il n'était pas trop tard pour qu'il t'apprenne la tienne. Il te coinçait toujours dans ta chambre, se défoulant sur ton petit corps, ton corps si fragile qui se brisait sous chaque coup qu'il te donnait. Il te laissait des marques sur ton visage, rouge vif au départ et qui finissaient par aborder une couleur bleutée et parfois noiraude. La plupart des personnes étaient au courant de ce secret que la famille Wanderwodsen cachait, mais personne ne bougeait le petit doigt. Tout le monde posait un regard triste et désole sur toi quand tu traversais la rue, avec une écharpe cachant la moitié de ton visage. Avec des maillots à manches longues même avec une température abordant les trente-neuf degrés. Tu représentais parfaitement le symbole d'un enfant battu par son père, mais personne n'osait s'affronter à cet homme. Bourré de fric et d'influence, il pouvait en claquement de doigt, anéantir plus d'une personne et lui briser sa vie. Ses doigts s’entremêlaient dans tes cheveux, pour les tirer et te plaquer au sol, sans que tu ne puisses faire quelque chose. À part, te recroqueviller sur toi et attendre que les longues minutes passent. Fermant les yeux et serrant les dents, tu n'avais rien d'autre à faire, juste à espérer que cette fois-ci allait être la dernière. Que cette fois-ci, tu n'allais peut-être pas te réveiller et que tu quitterais ce monde sans trop souffrir. Malheureusement, ce cauchemar se répétera encore et ceux pendant des longues années. Tu avais peur quand tu allais dans ta chambre, tu ressentais la douleur pendant des heures avant de pouvoir t'endormir. Tu gardais toujours cette peluche contre toi, en espérant qu'elle allait te protéger de cet infâme homme. Plus d'une fois, tu avais dû te rendre chez le médecin, prétextant que tu t'étais foulée le poignet lors d'un match de basket. Plus d'une fois tu avais menti sur les bleus de ton visage ou de ton corps. Te faisant passer pour une gamine empotée qui trébuchait et tombait sans arrêt. Tu devais prendre des médicaments, mais au final tu ne voyais jamais la couleur ou même la texture, puisque l'homme de la maison avait décidé autrement. Nombre de fois, où tu avais dû nettoyer les quelques gouttes de sang qu'il t'avait prélevé avec seulement quelques coups bien placés. Nombre de fois où tu avais dû te faire recoudre à cause d'un couteau qu'il t'avait lâchement lancé. Toute cette souffrance que tu avais accumulée pendant des années, toute cette douleur, trône toujours au fond de toi malgré les années qui sont passées.

Tu n'as jamais baissé les bras, tu n'as jamais reculé devant quelque chose et tu vivais et tu vis encore avec toute cette douleur que tu avais accumulée pendant des longues années. Pas une seule fois, tu avais laissé couler une larme, pas une seule fois tu avais montré la détresse, la tristesse dans ton visage. Pas une fois, tu as prié pour mourir et disparaître ce jour-là. Pas une fois, tu en as parlé, tu as toujours tout gardé au plus profond de toi. Tu as toujours gardé des cicatrices sur ton corps et tu les auras certainement pour toujours. Tu garderas aussi toujours cette image de ton père, violent et agressif, totalement puéril et dégouttant. Tu ne l'as jamais aimé et tu ne l'aimeras jamais. Tu n'as pas oublié le jour ou tu avais espéré sa mort, ou tu avais ouvertement qu'il ne te manquerait jamais. Tous ces problèmes se sont arrêté, le jour ou ton père à contracter cette maladie, ce virus. Alors qu'il souffrait, tu ne t'ait jamais occupé de lui, le regardant s'éteindre à petit feu. Te réjouissant chaque jour un peu plus, l'observant depuis le coin de l’œil en train de suffoquer et de cracher du sang. Ton corps se reformait de jour en jour, reprenant force et vivacité. Il mourrait à petit feu, souffrant comme tu souffrais sous ses coups. Tu avais continué tes études, malgré ce passé douloureux. Mais, plus les années passaient et plus ton caractère évoluait, changeait. Loin d'être en positif, tu devenais violente et tu faisais passer ta colère dans la violence. Nombre de fois où tu t'es battue avec d'autres élèves, hommes ou femmes. Tu ne lâchais jamais prise et de jour en jour tu devenais agressif, et de plus en plus détesté par tout ce beau monde. Tu n'avais rien trouvé de mieux que de passer ton temps à sortir avec quelques amis, fumer et boire pour te calmer et surtout te défouler en tapant dans punching-ball. Tu étais totalement différente des autres personnes, d'ailleurs, personne n'était capable de te comprendre. De te parler en te regardant droit dans les yeux, tu n'étais pas comme eux. Bien trop intelligente, mais bien trop violente. Deux choses qui n'allaient pas ensemble et malheureusement, tu avais été viré d'une école, malgré tes très bons résultats. Tu n'arrivais pas à changer, comme si la violence de ton père était maintenant en toi, comme si ta rage ne faisait qu'augmenter avec les jours. Comme si tu n'arrivais pas à te contrôler, mais pourtant tu ne baissais jamais les bras. Tu continuais d'avancer, jusqu'au jour ou tu avais découvert que ta mère avait ce virus en elle. Elle était devenue faible, elle était devenue une tout autre personne. Tu perdais, la seule personne que tu aimais, à qui tu tenais réellement. Tu t'en voulais, et tu ne pouvais rien y faire. Tu n'arrivais plus à vivre avec ça, ton père avait décédé seulement quelques mois auparavant. Et en voyant ta mère ainsi, tu ne pouvais qu'accepter ce que tes professeurs t'avaient proposé. Rejoindre le wicked en tant que simple apprentis pour finir tes études. Cette organisation qui devrait pouvoir trouver un remède, un remède contre ce virus, contre cette horreur qui ne faisait qu'anéantir petit à petit un grand nombre de personnes. Au final, ton père est mort de ce virus, après des longs mois de souffrance, il a fini par s’éteindre, dans le fauteuil, là où il se trouvait à chaque fois quand tu rentrais de l'école. La place qui te laissait encore des frissons dans le dos quand tu retournes chez toi voir ta mère. Souffrante, malade et qui peut à peine bouger. Plus le temps passe et plus la maladie se propage, plus aucun médicament fait effet et tu sais que tu vas la perdre. Tu sais que la flamme qui la gardait en vie, allait s'éteindre. Doucement, mais sûrement, te laissant maintenant seule parmi toutes ces personnes, ce monde étrange. Dans lequel tu vis depuis des années, tu vois des amis, des ennemis mourir petit à petit, et toi, tu ne peux rien faire. À part travailler comme tu l'as toujours si bien fait, décrocher ce diplôme que tu as obtenu avec une mention. Tu as continué de travailler pour eux, en espérant trouver un jour la solution à ce problème avant de te faire rattraper par la maladie et de mourir à ton tour comme toutes les autres personnes. Tu n'as pas honte d'utiliser des gamins comme cobaye, tu espères juste voir cet antidote fonctionner un jour et sauver des vies. Mais pour le moment, tout ce que tu as déjà fait est voué à l’échec, comme la plupart du reste. Le labyrinthe est l'une des dernières chances, en espérant qu'une fameuse surprise survienne bientôt.