Le jeune homme ne comptait plus le nombre de mois qu’il était ici. Mais surtout, il ne voulait pas les compter. Eviter de penser. Eviter de penser depuis combien de temps il était séparé d’Eva, son tout. Courir aussi loin que possible de cette
mélancolie qui lui prenait les tripes à chaque fois que ses pensées allait vers elle. Sa sœur, cette innocente gamine qui
sautillait partout, n’avait que faire des règles, persuadée qu’elle vivait dans un monde où rien ne l’atteindrait jamais. Pablo secoua sa tête bouclée. Il s’était promis de ne plus y penser. Alors comme chaque jour, il focalisait toute son énergie sur la
boîte géante aux
murs énormes. Sur ce
labyrinthe dont il ne connaissait que les grands fonctionnements. On ne lui disait pas tout. Il s’en doutait. Pourtant, ça lui était égal. Lui, il voulait un remède pour la Braise. Rien d’autres n’importait. Rien d’autres. Le reste, c’était des
poussières ensevelies sous son désir. Et même si ce qu’il faisait n’allait pas lui apporter réponses à ses questions, ça lui était égal. Parce que oui, réparer un
scaralame défectueux ou observer pourquoi un des
griffeurs n’avançaient plus aussi vite qu’avant, ça n’allait malheureusement pas lui apporter la solution miracle. Alors quand il ne travaillait pas dans ses locaux emplis de machines, il observait les
blocards au sein de leur prison. Et il retournait à ses ordinateurs, où personne ne l’emmerdait réellement. Et surtout, surtout, où il pouvait ruminer dans sa barbe tranquillement. Et étrangement, alors même qu’il avait l’esprit libre pour penser à milles choses, cette
douceâtre solitude lui permettait de ne pas imaginer le pire pour Eva. Ou pour la petite Joe, aujourd’hui maton des
medjacks. Medjack. Ça, il n’aurait jamais pu le parier. Même si au final, c’était le seul poste qu’il voyait pour la petite rousse.
Coureuse ? Non, vraiment pas. Ni même cuisinière.
Presqu’un an était passé. A peu près. Parce que oui, même si il ne comptait plus le nombre de jours qui s’était écoulé depuis son entrée au Wicked, son cerveau programmé pour aimer l’informatique et tous les mécanismes les plus étranges les uns que les autres, lui
chuchotait que dans quelques temps, un an déjà serait tombé. Une fois encore, il était dans l’aile de défense, dans l’une des salles quasiment toujours vide. De toute façon, personne n’aimait les machines. Et dans sa
malchance, ce paisible endroit lui donnait toute
l’indépendance qu’il souhaitait. Loin de tout le monde. Même si au final, cette isolation était toute
relative lorsqu’un des sujets venait roder autour de lui. Il en avait connu plusieurs. Sally, June, toutes deux
jobardes à présent. Ou même Archy. Et ils avaient lié des liens. Même si au final, tout ça, c’était des liens de
pacotille. A peine avaient-ils été envoyés près de ces
fermes que
l’amnésie les touchait de plein fouet. Et c’était au revoir Pablo. Et parfois, Pablo se disait que les gens hauts placés du wicked devaient sacrément être tordus pour imaginer des plans aussi
machiavéliques les uns que les autres. Il avait déjà pensé à en parler à ses collègues. Exposer ses doutes. Mais sur ça, il ne doutait pas de provoquer
l’anarchie. Et surtout, d’abandonner la vie. Poussant un profond soupire, le jeune homme se laissa tomber dans un fauteuil plus qu’
usagé. Pas aussi miteux que celui sur lequel il avait dormi quelques jours, mais quand même. Son regard se posa autour de lui, sur cette pièce vide. Sans cœur. Il se fit la réflexion que, si c’était pour passer autant de temps dans cette salle, il ferait bien de la décorer. Peut-être avec l’une de ses algues
iridescentes qu’il avait acquis pour son petit studio ? Peut-être. C’était une idée. Ou alors l’une de ses plantes blanches qu’il affectionnait particulièrement, les
stellaires. Même si il ne pouvait
prédire qu’il resterait dans cette petite salle jusqu’au bout. Continuant le tour des inspections, ses yeux furent attirer par un petit dessin, juste au dessus d’un câble. Gertrude la
tortue. Petit cadeau de Joe avant qu’elle parte.
C’est alors que son regard fut attiré par un rai de lumière. La porte s’ouvrait. Quelques secondes plus tard, il tomba sur le visage souriant d’une jeune Eryn. Jeune recrue du wicked. Sans trop savoir pourquoi, elle et Pablo se côtoyaient parfois. Elle lui rappelait un peu Joe. Par quelques traits de caractères. Mais ça s’arrêtait là. Et de loin. Eryn lui inspirait d’autres idées qu’un sourire enfantin. Tel un
félin, elle referma sans bruit la porte derrière elle. Ils n’avaient aucune idée si elle avait le droit de venir le voir après le
crépuscule. Mais Pablo aimait bien ses visites. Ça lui changeait les idées. Il se recula un peu, lui laissant la place à ses côtés. «
Salut la petite. » Laissant ses yeux apprécier la silhouette d’Eryn, il finit tout de même par détourner les yeux. «
Comment tu vas aujourd’hui ? »