Un sourire triste aux lèvres, tu regardes le salon qui t'as vu grandir. Un canapé un peu vieillot, une télé sur lequel une fine couche de poussière subsiste et des cartons. Un tas de cartons. Tu soupires, te sentant aussi vide que la pièce et jette un coup d'oeil à la fenêtre où tu peux voir une maison similaire à la tienne. Une maison désespérément vide depuis qu'elle est partie. Aujourd'hui, c'est à ton tour de partir. Vendre la maison familiale, et commencer un nouveau boulot. Au WCKD. Ton père a été interné à l'hotêl des fondus il y a tout juste un petit mois. Alors tu vis seul, dans une maison trop grande pour le gamin à peine majeur que tu es. Tu t'en vas donc retrouver la seule famille que tu reste. Heather, ta voisine. Heathie, la soeur que tu n'as jamais eu. Elle est partie à neuf ans, brisant ton coeur d'enfant. Et tu t'es accroché très fort à son souvenir, même si maintenant les traits de son visage te semblent flous et qu'avec l'âge, tu es presque sûr de ne pas la reconnaitre si tu l'as voyait. Tu te rappelles pourtant encore bien de vos habitudes, enfants. Le dimanche matin à regarder des dessins animés. Ses sandwichs que tu t'appliquais à lui couper en triangle. La croute de ces mêmes sandwichs que tu enlevais systématiquement après l'avoir vu s'étouffer lorsque tu avais six ans, et elle tout juste cinq. Tu veux désespérément retrouver ce petit bout de bonheur. C'est la raison pour laquelle tu as accepté de travailler pour le WCKD. Ça et le fait que tu as vraiment besoin de boulot.

Tu soupires de désespoir. Tu as apprit en quoi constituait ce boulot il y a seulement une semaine. Coach sportif. Ce qui signifie entrainer des gosses toute la journée. Leur apprendre le self-defense. Finalement, les cours de boxe te serviront à autre chose qu'à éviter de passer pour une détraquée auprès des élèves de son collège. Et puis t'en as profité pour en apprendre plus sur ce qui c'était passé aux enfants qu'ils avaient récupéré. Et les membres du WCKD t'ont tout raconté. Ils ont essayé de t'endoctriné, en te prouvant le bien fondé de leur entreprise, comme dans une pub de propagande. Et tu mentirais si tu disais que ça ne t'avait pas retourner un minimum le cerveau. Toute la rage que tu avais ressenti lorsqu'ils avaient prit ta Heathie s'était un peu apaisé à l'idée qu'elle puisse aider à guérir le mal dont souffrait le monde. La Braise. Cette horreur t'avait prit ta mère et ton père. Tu comprenais les enjeux. Mais ça ne changeais pas le fait que tu voulais être celui qui protégerait ta petite sœur de tous les dangers du monde.



C'est ton premier jour de travail. Enfin. Tu as du mal à appeler ça du travail alors que tout ce qu'on te demande c'est d'observer. Tu es là, sans savoir comment te rendre utile. Tu avises alors les bouteilles d'eau sur le côté et tu te mets à déambuler le long des punching balls, un sourire narquois aux lèvres. Tu ravales les remarques sarcastiques face à tous ses adolescents transpirants et leur tends à chacun une bouteille d'eau, recevant tantôt un sourire reconnaissant, tantôt un regard noir. Tu dois t'y habituer, ce sera ton quotidien désormais. Tu espères un accueil beaucoup plus chaleureux de la part d'Heather. C'est long six ans bon dieu.

« On a soif, mademoiselle ? »

Tu essaies d'afficher un sourire chaleureux mais tu es presque certain que tu n'as par totalement réussi à chasser cet air moqueur que tu as sur ton visage depuis de trop nombreuses années. Des cheveux blonds volent tandis que la dite mademoiselle tourne la tête vers toi, affichant un vrai sourire. Celui que tu as du mal à faire, léger, mais sans aucunes traces de moquerie. Son visage te semble familier. Ton cerveau bugue quelques secondes tandis que l'information arrive. La seule personne dont les cheveux blonds et les grands yeux marrons peuvent te sembler familier ici, au WCKD. Heather. Elle aussi t'as reconnu, ce qui te fait afficher un énorme sourire, d'une oreille à l'autre.

« Comment tu vas, Heathie ? »

Tu voudrais la prendre dans tes bras, et ne jamais la laisser partir, mais peut-être que tes tout nouveau collègue n'ont pas besoin de savoir à quel point tu tiens à elle. Définitivement pas.

« Qu’est-ce que tu fais là ? »
« J’donne de l’eau. Pour le moment. Après, j’pense que je pourrais être un genre de coach, tu v… »
« Tu bosses pour le WICKED ? »

Bon. Tu aurais préféré un accueil plus chaleureux. Tu peux sentir la rancœur émaner d'elle à des kilomètres à la ronde. Et tu te rends compte pour la première fois que tu n'as pas pensé à comment tu lui expliquerais pourquoi tu travailles avec l'ennemi. Oups. Bon. Autant choisir, tu décides de partir sur la réponse dégagé.

« Ça paye bien. Et c’est pas mal, comme travail. Mieux que de s’occuper de virer les fondus de Memphis. Ils m’ont proposé de faire ça, je les ai envoyés balader. »
« T’es pas sérieux ! Tu préfères rester passer ta vie ici plutôt que chez toi, avec ta famille, tes amis, tout ce que t’as toujours eu ? T’as tout laissé tomber pour venir ici ? »

Tu hésites vraiment à lui dire que tes parents sont morts. Qu'ils ont attrapés cette foutu maladie qui dévaste tout et tout le monde. Mais t'as pas envie de passer pour une drama queen. Alors tu te concentres sur la lueur interrogatrice qui apparait dans sa dernière phrase. Si tu peux pas faire la drama queen tu peux aux moins faire le gars mielleux. Mais oui.

« Je suis venu ici pour toi, Heather. »
« Ah ouais ? Et ben j’ai pas besoin de toi. »

Ah. Tu ne t'attendais pas à ça. Tu l'as vois se retourner vers son punching-ball sans te porter plus d'importance. Tu prends quelques secondes pour enlever la mine triste qui s'est posé sur ton visage. Tu avances légèrement vers elle, sans savoir quoi dire.

« Dégage, Iwan. »
« Heath… »
« Tire-toi, j’te dis ! »

Tu sens tes regards sur toi. Mais ton regard reste fixé sur celui d'Heather. Ces yeux sont presque noir, et tu sens tant de haine dans ceux-ci que tu recules d'un pas sans que tu l'es réellement décidé. Tu n'arrives à rien dire qui pourrais justifier ta présence ici. Alors tu acquiesces et continue à reculer, jusqu'à te tourner complètement et partir loin. Loin que tu as promit de protéger envers et contre tout. Et à l'évidence, tu as échoué. Misérablement.



Tu affiches une tête indifférente, les yeux rivés aux multiples écrans de la salle de contrôle. Un en particulier attire ton attention. Une vue de la boîte où toutes les filles du Bloc B sont rassemblés. Tu connais chacune d'elles pour les avoir entrainer pendant des mois, voire des années. Et tu sens ton coeur se briser en sachant qui la Boite va remonter d'un instant à l'autre. Heather. Bien sûr, en aucun cas montrer à quel point tu ferais n'importe quoi pour empêcher ce qui va arriver. Mais tu n'es pas seul, dans la salle, alors tu places minutieusement ton habituel sourire narquois sur tes lèvres.

«Des paris sur la réaction du sujet B21?»

Tu forces tes poings à se détendre, fixant rageusement l'écran. Tu vois le mécanisme de la Boite s'actionner et trop vite pour que ton cerveau puisse l'accepter, elle s'ouvre sur une petite blonde au visage trop familier. Tu la vois regarder tout autour d'elle et crier, paniquée. Mon dieu. Tu fixes son visage terrorisé. Et au travers de ce moment horrible, une seule pensée traverse ton cerveau embrumé. La plus egoïste de toutes celles que tu pourrais avoir. Elle ne se souvient pas de toi. Pas le moindres souvenirs de toutes ses années, bonnes ou mauvaises. Ni votre enfance, ni sa rancoeur à ton égard. Nada.

Son cri s'estompe, et tout ton corps semble motorisé par l'impression d'avoir été abandonné par la seule personne pour qui tu importais encore. C'est ce vide qui te fait te retirer de la salle en de grandes enjambées.